Le Sungdau. Saut de carpe (1/8)

Etape 1/8. Dimanche 26 juillet 2015. Paris-Belfort-Altkirch (train)-Ferrette.
Distance : 23 km
Dénivelé positif : 387 m
Paysages : plaines et début de collines (altitude : 500m)
Météo : couvert mais chaud, pluie dans la soirée
Moral : excellent, stress du grand départ…

Altkirch, dimanche 26 juillet, 12h30. « Ah, non. Vous ne trouverez pas de boulangerie ouverte à cette heure-ci en Alsace », me répondit-on, attablé à la terrasse du restaurant-kebab Antalya de la petite ville. « Demandez voir au serveur. » Au restaurant, on me concéda deux pains ronds, pas plus, deux euros. J’en fus quitte pour un sandwich pita chaude-jambon de Bayonne, avalé sur un banc, face à la halle au blé, le massif des Vosges dans le dos.

Place de la République, Altkirch

La journée avait bien commencé. Matinale, j’étais montée dans le Paris-Belfort dès potron-minet, gare de l’est, quasiment en même temps que Laurence Parisot, qui elle, ne poussait pas de vélo. A mi-parcours des 4 heures de trajet, à Troyes, un type est monté et m’a rejoint dans mon compartiment vide. Un cycliste. Un Américain, de Portland, Oregon. Un ancien Marines. Un habitué de voyages à vélo en France depuis des années. Il s’apprêtait à rouler pendant trois mois, le long du Danube, jusqu’à la mer Noire puis Istanbul. Il trouvait que l’assurance maladie en France était super, même si lui ne pouvait pas se plaindre en tant que vétéran. Que les fruits en Europe étaient bien meilleurs qu’aux Etats-Unis. Que ses compatriotes buvaient trop de sodas, alors que lui préférait l’eau et le thé, jamais de café. Que les supermarchés américains étaient souvent trop chers ce qui nécessitait de guetter les promotions et de collectionner les tickets de réduction… Arrivée à Belfort, j’en savais un rayon.

Piste cyclable, ancienne voie ferrée de Altkirch à Feldbach

Après mon sandwich et une photo de la première borne de la ligne de front, déplacée à Altkirch (elle était auparavant à la frontière suisse), j’ai commencé ma route, direction le sud, la frontière suisse et les premiers monts du Jura Alsacien, dans la région du Sundgau. Les Vosges dans le dos, à nouveau.

Abri pour mitrailleuse, Hirsingue

L’histoire (la mienne et celle avec une grande hache) commencera véritablement demain, lundi, au niveau du Kilomètre zéro du front. En attendant, j’ai suivi le lit de l’Ill, monté quelques collines, visité une église romane à Feldbach, aperçu plusieurs « bunkers » allemands, visité le château fort de Ferrette où je dors ce soir et même succombé à la spécialité locale : la carpe frite (je dirais même plus : la carpe frite-frites). Un délice !

Les alentours de Ferrette et le Jura alsacien. Vue du château fort.

La suite, demain : Le sentier du Kilomètre zéro, les bunkers de Burnhaupt et nuit à Cernay…

Le Film 1914 ou la première bande dessinée sur la guerre 14-18

J’ai participé dimanche à la soirée de lancement de la bande dessinée Le Film 1914, publiée par la toute jeune maison d’éditions Prairial, fondée par « des jeunes gens polis et sympathiques ». Bien avant Tardi et les fresques de Joe Sacco, cette BD date de …1922. Elle est l’oeuvre de Lucien Laforge, un dessinateur de presse antimilitariste né en 1889 à Paris et dessinateur au Canard Enchaîné (dont c’est aussi le centenaire en 2015!).

Le Film 1914 déroule en quelques pages le film des quatre années de guerre, vues de l’arrière plutôt que du front. On ne voit pas la guerre mais plutôt ceux qui l’accompagnent de leurs commentaires au café du commerce et ceux à qui elle profite :  les industriels gras, les généraux, les prêtres et les prostituées. La BD est judicieusement accompagnée d’une chronologie des événements de 1914 à 1918, éclairant  les planches et quelques uns des personnages.

« La paix ? Plutôt mourir »

Extraits du « Film 1914 »

Le propos a le mérite d’être clair – la guerre est inutile et a nourri les intérêts de quelques-uns. Le dessin est sombre et la fin laisse peu d’espoir. Ce Film 1914 m’en rappelle un autre. Un vrai film, celui-ci : La Règle du jeu, de Jean Renoir, tourné en 1939, et ses célèbres scènes de bal costumé et de partie de chasse, qui montrait l’insouciance de l’aristocratie à quelques mois de la seconde guerre mondiale.

– ce tango me…me…
– il va y avoir la guerre.
– ah dites, demain à 3 heures, tu veux ?
– c’est un diam de 100 sacs.

NB : Les éditions Prairial publient dans le même temps un second texte, Ronge-Maille vainqueur, par Lucien Descaves et Lucien Laforge.

Victoire, un nom de spectacle

La fleur au guidon n’a pas fané avec l’automne. Elle reprend même du service, toujours à l’affût d’une histoire à raconter.
Elle vient vous recommander chaudement le spectacle Victoire, la fille du soldat inconnu, actuellement sous le superbe chapiteau du théâtre du Grand Parquet installé dans les jardins d’Eole (métro Stalingrad) à Paris. Comme son nom ne l’indique pas et contrairement à ce que son nom indique, la pièce, écrite et interprétée par Sylvie Gravagna, raconte en douze tableaux et en chansons, l’histoire de Victoire, dite Chourinette, née en 1916, devenue dactylo à l’usine puis aux grands magasins et ses luttes pour l’émancipation des femmes. On la suit petite fille, bercée par les chants patriotiques et les livres d’histoire de l’époque, visiteuse de l’Exposition coloniale au début des années 30, avant son émancipation et les grèves de 1936.
L’actrice nous a raconté, après le spectacle, avoir écrit la pièce alors que sa compagnie était installée à Pantin, dans les années 90, dans le quartier des Courtillères, où elle a rencontré des « mamies » militantes féministes dont le passe temps était d’aller manifester avec les copines. Le spectacle est d’ailleurs dédié aux « mémés de Pantin ». C’est la ville où j’habite aujourd’hui et ça ne me laisse pas indifférente.
Le spectacle tourne depuis quelques années. Il est au Grand Parquet jusqu’au 2 novembre…mais j’imagine qu’il sera joué dans d’autres lieux. A suivre !